Dès le 1 octobre 2007 l’Atelier d’urbanisme des Géomètres-Experts de la Région Méditerranéenne avait souhaité s’entourer de juristes spécialisés dans ces domaines.
C’est ainsi que début 2008, Maître David-Faure Bonaccorsi nous proposait, déjà, cette première analyse, toujours d’actualité aujourd’hui, même si différentes évolutions législatives sont intervenues depuis.
Jean-Michel Lugherini / Arugem



FORMATION ARUGEM
2007-2008
Présentation de la réforme des autorisations d’urbanisme

Avec la participation du cabinet d’Avocats « LLC et Associés »
Maître Jérôme LEFORT et Maître David FAURE-BONACCORSI

Cabinet de La Valette-du-Var




I- PRESENTATION GENERALE DE LA REFORME


Le décret du 5 janvier 2007 a parachevé la réforme du permis de construire et des autorisations d’urbanisme, issue de l’ordonnance du 8 décembre 2005.


Conçue dans un esprit de clarification et de simplification, cette réforme s’efforce d’atténuer l’extrême complexité du droit français de l’urbanisme, laquelle est ressentie tant par les constructeurs que par les services instructeurs des dossiers.

En dépit de ses louables objectifs, la refonte du Code de l’urbanisme représente tout de même un facteur de complexité qui risque de se matérialiser dans les premiers mois de son application : compte tenu du grand nombre d’articles qu’elle modifie, il est en effet fort probable qu’elle ne sera pas assimilée instantanément par les acteurs du droit de l’urbanisme et sera susceptible de générer de nouveaux contentieux.

Initialement prévue pour le 1er juillet 2007, l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions a été reportée au 1er octobre 2007.

A la demande de l’Association des Maires de France, le Parlement a inséré un amendement en ce sens dans la loi du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale.
Il ne paraissait pas souhaitable qu’une réforme d’une telle ampleur entre en application au début de la période estivale, compte tenu de la disponibilité et de la réactivité qu’elle exige de la part des communes et des services de l’Etat.
Cet aménagement du calendrier ne dissipe cependant pas l’inquiétude que ressentent les élus et les agents locaux à l’heure où la réorganisation et le redéploiement des Directions départementales de l’Equipement chargées de l’instruction des dossiers d’urbanisme soulèvent déjà des difficultés.
Par ailleurs, l’examen attentif de cette réforme peut laisser les différents professionnels assez dubitatifs et suscite de nombreuses interrogations.

En effet, beaucoup s’interrogent sur l’incidence de la réforme sur les responsabilités encourues par les différents acteurs concernés.

Certains y voient d’ores et déjà un véritable transfert de responsabilité de l’administration vers les différents professionnels intervenants dans toute opération de construction.

Rappelons au passage que lorsque le ministre a exposé le décret de 2007 aux préfets, il indiquait que ce texte avait notamment pour objectif « une meilleure précision des responsabilités respectives de l'autorité qui délivre le permis et des autres acteurs (constructeurs, architectes...) de façon à limiter l'insécurité juridique ».

Il y a donc un intérêt majeur pour l’ensemble des acteurs, notamment les géomètres, à identifier les zones d'ombre qui résultent d’un examen attentif de la réforme et à analyser les bouleversements susceptibles de modifier en profondeur leurs pratiques professionnelles.
Sans dresser d’inventaire exhaustif, force est de constater que cette réforme recèle des pièges tendus aux acteurs directement concernés (géomètres, notaires, agents immobiliers, entrepreneurs ou propriétaires fonciers, lotisseurs, …), mais aussi des opportunités qu’il convient de ne pas négliger (par exemple l’admission en matière de lotissement de la pluralité de maîtres d’ouvrage, des demandes et une instruction des demandes facilitées, des délais plus cohérents, une généralisation des autorisations tacites, …).

Malgré cette complexité, il est heureusement possible de présenter, sans prétendre à l’exhaustivité, les grands axes de cette réforme du permis de construire, qui au-delà de la simplification qu’elle réalise tente de renforcer la sécurité juridique en matière d’autorisation d’urbanisme.

• Des démarches facilitées pour les demandeurs


Pour les constructeurs, la simplification résulte tout d’abord d’une réduction très significative du nombre des procédures d’autorisation prévues par le code de l’urbanisme : aux onze régimes d’autorisation actuellement utilisables, la réforme substitue trois permis – de construire, d’aménager et de démolir – et une déclaration préalable (voir en ce sens la circulaire du ministère du transport et de l’équipement datée du 6 janvier 2007).

Le décret du 5 janvier 2007 clarifie en outre les champs d’application respectifs du permis de construire et de la déclaration de travaux, la délimitation du domaine de ces deux régimes ayant posé des difficultés dans le passé.
Schématiquement, les constructions neuves sont en principe soumises à permis de construire – sauf exceptions mentionnées aux articles R. 421-1 (travaux soumis à simple déclaration) et R. 421-2 (dispense de formalités préalables).

Pour autant, l’ampleur de la réforme et les bouleversements qu’elle induit suscitent de nouvelles interrogations que la pratique commence déjà à générer.

• Des délais d’instruction plus contraignants


Les délais d’instruction des demandes de permis de construire sont eux aussi clarifiés.

Maintenus à deux mois pour les constructions de maisons individuelles, les délais d’instruction sont en principe portés à trois mois pour les autres projets (art. 423-23).

Dans le régime antérieur, le point de départ du délai d’instruction de la demande – dont l’écoulement donnait naissance à un permis tacite – était déterminé par la notification par l’autorité compétente au pétitionnaire d’un accusé de réception précisant la date à laquelle la décision finale serait rendue, à charge pour le pétitionnaire de mettre en demeure le Maire en cas de non-délivrance de cet accusé de réception.
Ainsi, il appartenait à l’administré de veiller au respect par l’Administration de ses propres obligations réglementaires : faute d’avoir adressé au Maire la mise en demeure susvisée, il ne pouvait bénéficier d’une décision tacite au terme du délai d’instruction (voir les articles R. 421-9 et suivants du code de l’urbanisme en vigueur jusqu’au 1er octobre 2007).

Ce système – à la fois complexe et peu respectueux des droits des pétitionnaires – est abandonné par le décret du 5 janvier 2007.

Depuis le 1er octobre 2007, le délai d’instruction court à compter de la réception en mairie d’un dossier complet (art. R. 423-19). L’Administration dispose d’un délai d’un mois pour informer le cas échéant le demandeur du caractère incomplet de sa demande, ce qui aura pour effet de reporter le déclenchement du délai d’instruction jusqu’à réception des pièces manquantes (art. R. 423-38).

En outre, le délai d’instruction peut être majoré lorsque d’autres services ou commissions spécialisés devront être consultés en application des lois et règlements en vigueur. Toutefois, ces services ont l’obligation de rendre leur avis dans le délai qui leur est imparti, faute de quoi ils sont réputés avoir émis un avis favorable.
De plus, le demandeur doit être dûment informé du report de délai découlant de ces consultations obligatoires. Dans tous les cas de figure, le demandeur devrait connaître précisément la date d’expiration du délai d’instruction.
Il bénéficiera donc d’un permis tacite à cette date si une décision explicite ne lui a pas été notifiée auparavant (art. R. 424-1).

• Un contrôle apparemment allégé des services instructeurs

L’effort de simplification doit aussi bénéficier aux administrations en charge de l’urbanisme et notamment aux communes.

Ainsi, dans la procédure d’instruction des demandes de permis de construire, l’Administration n’est plus tenue de vérifier les informations relatives à la propriété du terrain : les dossiers de demande comporteront une déclaration du pétitionnaire rédigée sous sa responsabilité et attestant qu’il remplit les conditions pour demander un permis de construire.

De même, les informations relatives à la SHON sont désormais données sous sa responsabilité par le pétitionnaire, l’Administration n’ayant plus à procéder à son calcul.

Enfin, les plans de l’intérieur du bâtiment ne figurent plus en principe dans les dossiers de demande et ne peuvent plus être exigés des demandeurs.

Cet allègement des dossiers est censé faciliter la tâche des services instructeurs mais risque, in fine, de créer de nouveaux risques contentieux.
Autre simplification remarquable notamment pour les communes : l’autorité publique est désormais dispensée de délivrer un certificat de conformité des travaux, et dispose d’un délai pour procéder à leur récolement.

Elle doit en revanche mettre les constructeurs en demeure de procéder à des travaux complémentaires ou de déposer des demandes de permis de construire ou déclarations de travaux modificatifs si elle constate, à l’issue du récolement, des cas de non-conformité de l’ouvrage à la demande initiale.

De plus, la réforme innove en reconnaissant le certificat d’urbanisme tacite (art. R. 410-12), résultant du silence conservé par l’Administration sur une demande de certificat.

Le délai de naissance du certificat implicite est fixé à deux mois pour les certificats d’urbanisme pré-opérationnels et à un mois pour les certificats d’urbanisme d’information générale.

Ainsi, pour les demandes ne posant pas de difficulté, l’autorité compétente pour délivrer le certificat pourra faire l’économie de la rédaction et de l’envoi d’une décision expresse.
Cependant, l’attention des services instructeurs sera portée sur les risques juridiques liés au maniement de ces nouveaux instruments, notamment dans le cadre des certificats d’urbanisme pré-opérationnels : en effet, les certificats tacites seront vraisemblablement créateurs de droit dans les mêmes conditions que les certificats explicites.
Il conviendra en particulier de veiller à ce que l’écoulement du délai soit le fruit d’une démarche délibérée et non d’un oubli ou d’une négligence, sous peine de générer des situations juridiques difficilement réversibles.

La délivrance d’un certificat d’urbanisme positif peut en effet contraindre l’Administration à accorder ensuite un permis de construire, si son bénéficiaire présente en temps utile une demande à cette fin.

De façon générale, l’économie de la réforme tend à renforcer l’effectivité des autorisations de construire tacite ce qui implique par ailleurs une grande vigilance de l’administration lors de l’instruction des demandes.


• Un régime contentieux plus protecteur pour les titulaires d’autorisation


La réforme du Code de l’urbanisme s’efforce de limiter les risques d’annulation ou de retrait rétroactifs des autorisations délivrées afin de préserver leur sécurité juridique. Il est vrai que bien souvent, les retraits et annulations en cause interviennent alors que la construction est achevée ou en voie d’achèvement, ce qui crée des situations juridiquement délicates.
Dans l’hypothèse même où la construction n’a pas été entreprise, la simple introduction d’un recours peut en pratique avoir pour effet de bloquer la réalisation du projet.
De manière très significative, la nouvelle rédaction de l’article R. 600-2 modifie les règles relatives au délai de recours des tiers, qui se déclenche désormais à compter du 1er jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain.

Disparaît ainsi l’exigence complémentaire d’un affichage en Mairie (règle du double affichage en vigueur jusqu’ici). De plus, même si la publicité de l’autorisation de construire s’est avérée insuffisante, le recours contentieux d’un tiers ne pourra être jugé recevable passé le délai d’un an à compter de l’achèvement des travaux.

Par ailleurs, le nouvel article R. 424-19 dispose qu’en cas de recours d’un tiers, le délai de validité du permis ou de la décision de non-opposition à la déclaration préalable est suspendu jusqu’à la décision définitive de l’ordre de juridiction statuant sur ce contentieux.

Enfin, la sécurité juridique des droits des pétitionnaires est également renforcée par les nouvelles modalités d’obtention des autorisations d’urbanisme tacites et par un encadrement strict des conditions de leur retrait éventuel. Ainsi, un permis de construire entaché d’illégalité ne pourra être retiré par l’autorité compétente que dans un délai de trois mois à compter de la décision, à moins que la demande de retrait ne soit formulée par le bénéficiaire lui-même.

Les décisions de non-opposition à déclaration préalable ne peuvent quant à elles faire l’objet d’aucun retrait.

II – LE NOUVEAU LOTISSEMENT

Les nouvelles dispositions du Code de l’urbanisme vont dans le sens d’une clarification et d’un allégement des règles, et sont censées bénéficier à la fois aux constructeurs et aux administrations en charge de l’instruction des dossiers.

En pratique, les avancées réalisées ne résolvent pas – loin s’en faut – tous les problèmes liés à la complexité de la matière qui demeure sujette à interprétation, riche en contentieux et, par conséquent, dépendante de la position du juge administratif.

C’est le cas notamment pour ce qui concerne les opérations visant à diviser le sol dont les lotissements.

En effet, les nouvelles dispositions introduites dans le code de l’urbanisme sont la source d’interprétations parfois divergentes de la part de l’administration centrale, des services déconcentrés de l’Etat, des services instructeurs des collectivités locales, des professionnels intéressés (géomètres, architectes, constructeurs, …) des notaires alors même que dans les faits il n’existe pas encore de jurisprudence.

Le rapport au président de la République relatif à l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 portant réforme des autorisations d'urbanisme affirmait pourtant que la définition du lotissement n'était pas modifiée.
La définition du lotissement figure désormais dans la partie législative du code.


Si l’on compare l’ancien article R. 315-1 du Code de l'urbanisme, l'article L. 442-1, entré en vigueur le 1er octobre 2007, il semble en effet exister de prime abord une certaine similitude.

Pourtant, une lecture attentive du nouveau texte révèle que la définition du lotissement a fait l'objet d'un profond remaniement, en particulier la suppression de tout seuil.

En effet, la référence au nombre de lots à construire est abandonnée par l'article L. 442-1, alors même que l’ancien article R. 315-1 du code de l’urbanisme ne considérait comme lotissement que les divisions créant au moins trois lots (cinq lots en cas de partage successoral).

Si le seuil de trois lots ne disparaît pas du code (art. R. 421-19), il n'a plus pour fonction de définir le lotissement mais seulement de déterminer l'autorisation d'urbanisme requise à savoir, selon le cas, décision de non-opposition à la déclaration préalable ou permis d'aménager.

La nouvelle définition est fondée sur cinq critères dont la réunion est nécessaire pour qualifier une opération d'aménagement de lotissement.
L’article L. 442-1 du code de l’urbanisme dispose que : « Constitue un lotissement l'opération d'aménagement qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet la division, qu'elle soit en propriété ou en jouissance, qu'elle résulte de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations, d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments ».
Il faut ensuite se référer aux articles L 442-2, L 442-3 et L 421-23 du Code de l’urbanisme qui distinguent les opérations relevant d’une part du permis d’aménager et, d’autre part, celles relevant du régime de la déclaration préalable.

Dans ces conditions, l’Administration, les notaires ainsi que la majorité de la doctrine tend à considérer que le lotissement peut désormais apparaître dès la création du premier lot.

Dans le nouveau régime, c’est la division qui fait entrer l’opération dans régime du lotissement, indépendamment du décompte des terrains qui en sont issus dont l’intérêt va, quant à lui, permettre de définir la procédure à respecter à savoir :

- soit le permis d’aménager
- soit la déclaration préalable.

Par ailleurs les nouvelles dispositions introduites dans le code de l’urbanisme définissent les opérations qui ne constituent pas un lotissement (art. R. 442-1) et les hypothèses n’entrant pas dans le décompte des lots (art. R. 442-2).

De nombreuses zones d’ombre subsistent malgré tout, en particulier pour les lotissements soumis à déclaration préalable, mais également pour ce qui concerne les travaux.
L’absence de dispositions transitoires génère également son lot d’incertitudes et il convient de s’interroger sur la réelle disparition du « spectre du lotissement rétroactif » pourtant annoncée par certains auteurs.

Ici encore, seule la jurisprudence pourra préciser la portée et le sens des dispositions nouvelles.

Cela étant précisé et de façon générale, plusieurs auteurs relèvent que, pour ce qui concerne le lotissement, la réforme ne répond pas aux imperfections du droit antérieur et au surplus génère de nouvelles difficultés d’interprétation.

C’est si vrai que le 11 décembre 2007, le Président de la République a annoncé, entre autres, une réécriture complète par voie d’ordonnance du code de l’urbanisme, les notaires ayant par ailleurs à l’issue de leur dernier congrès national réclamé de nombreux éclaircissements et modifications des textes entrés en vigueur le 1er octobre 2007.

Dans ce contexte, les multiples débats générés au sein de l’ARUGEM par la réforme des autorisations d’urbanisme résultent donc bien d’une réalité et ne peuvent que conduire chaque géomètre-expert, en sa qualité de professionnel investi d’un devoir de conseil, à sécuriser ses prestations et à préserver la mise en cause éventuelle de sa responsabilité.